Aujourd'hui / Le Parisien - Vendredi 2 août 2002  

 

Disparition/
Il y a dix ans


Michel Berger : sa vie pour la musique


SON COEUR s'est arrêté en plein soleil, à Ramatuelle (Var), sur un cours de tennis. Le 2 août 1992, il y a tout juste dix ans, Michel Berger disparaissait. Il avait 44 ans. Aujourd'hui, une chanson le résume peut-être à elle seule : « Tout pour la musique », écrite pour France Gall en 1981, symbole d'une vie dédiée à l'écriture. Il suffit de se replonger dans sa discographie, enrichie ces jours-ci par une nouvelle double compilation et un coffret de trois CD, pour voir combien Michel Berger parlait de la musique, omniprésente dans ses textes : « la Groupie du pianiste », « Chanter pour ceux qui sont loin de chez eux », « Mon fils rira du rock'n'roll » ou même « la Fille au sax », un inédit de 1981, redécouvert aujourd'hui.

La culture classique au service de l'écriture pop

Dès son plus jeune âge, Michel Berger baigne dans l'univers des partitions, notamment à travers sa mère, Annette Haas, pianiste. A 5 ans, il apprend à jouer de cet instrument derrière lequel il s'abritera, en concert comme dans d'innombrables émissions télévisées, toujours porté par un air d'éternel adolescent, avec ses cheveux bouclés et un sourire timide aux lèvres. Etudiant en philosophie, il rédige même une thèse sur l'esthétique de la pop-music. C'est donc tout naturellement qu'il commence à composer et sort un premier 45-tours, « Amour et soda ». Il n'a pas encore 16 ans. C'est encore grâce à la musique qu'il rencontre son premier grand amour, Véronique Sanson. Comme lui, elle est pianiste. Le coup de foudre est réciproque et leur collaboration sera fructueuse. En 1972, alors qu'il est le tout jeune directeur artistique d'une maison de disques, Michel Berger produit le premier album de la chanteuse, « Amoureuse », où fusionnent leurs complicités personnelle et professionnelle. On découvre alors deux musiciens hors normes qui mettent leur culture classique au service d'une écriture pop. Ce sera jusqu'au bout le style Berger, cette façon de mêler la fluidité de ses mélodies au piano avec des compositions héritées de la musique noire et du rock anglo-saxon. L'idylle tourne court. Véronique Sanson le quitte soudainement pour le musicien américain Stephen Stills. Tout naturellement, Michel Berger se réfugie… dans la musique : il confie sa détresse au long de son deuxième album ­ où figure « Seras-tu là » ­, puis écrit pour Françoise Hardy et, bien sûr, pour France Gall. Quand celle-ci le sollicite, l'artiste se dit d'abord perplexe face à cette lolita sortie des années yé-yé. Tous deux vont se découvrir, là aussi, des affinités musicales et amoureuses. On connaît la suite. Le Pygmalion Michel Berger écrit une ribambelle de tubes à la femme de sa vie et traverse les années soixante-dix en auteur-compositeur incontournable. Après les triomphes de France Gall et le phénomène « Starmania », il manque un chapitre à sa vie musicale : la reconnaissance, non plus en tant que faiseur de chansons, mais en tant que chanteur à part entière. Il l'acquiert en 1980 avec le succès de « la Groupie du pianiste ». Il enchaîne alors les tubes pour lui-même (« Mademoiselle Chang », « le Paradis blanc »), pour sa femme (« Babacar », « Débranche ») et même pour Johnny Hallyday, à qui il écrit l'album « Rock'n'roll attitude » et le superbe « Quelque chose de Tennessee ». Des chansons qui restent aujourd'hui. La musique avant tout.

Emmanuel Marolle


Le Parisien, vendredi 02 août 2002